- Accueil
- Compositions
Compositions

Le 01/03/2022
LA VESTALE
Grands témoins dans les cieux
De sa virginité,
Elle exhorte les dieux
A garder la Cité,
Au temple, sous les yeux
De la foule exaltée.
Dans sa robe de lin,
Ô prêtresse sacrée,
Préservée du Malin,
Blanche comme la craie,
Sur les veaux, les poulains
Elle souffle un apprêt.
Les longs cheveux d’ébène
En six nattes tressées
De la sainte Romaine
Recouvrent les pensées
Et les reins de la reine
Sont seuls à caresser.
A la claire fontaine,
Quand perle la rosée
Des veines souterraines
Elle s’en va puiser
Les eaux pures et saines
Par l’aurore irisées.
Elle a tout, la jeunesse
Qu’on ne peut profaner,
Le destin d’une altesse
Pour une âme bien née
Mais aussi la promesse
A sa trentième année
D’emmener à Lutèce
Peut-être un nouveau-né.
Sous le manteau noirci
Dont Rome s’est parée,
Le foyer resplendit,
Gardien de la Cité.
Elle veille sur lui
Pour qu’il brûle à jamais.
***
C’était une fillette
D’une noble lignée,
D’âme et de corps parfaite,
Un chef d’oeuvre signé,
Lorsqu’en ce jour de fête
Elle fut désignée.
Au Collège elle apprend
De ses sages aînées
L’office qu’elle rend
Après quelques années.
Elle occupe ce rang
Que chacun reconnaît.
Un carrosse l’emporte
L’hiver comme l’été
Entre toutes les portes
De l’immense cité,
Précédé d’une escorte
Aux armes redoutées.
Devant elle s’incline
La moindre autorité.
Des mots qu’elle décline
Nul ne pourrait douter,
Amata qui fascine,
Ecrin de pureté!
Au spectacle elle a l’heur
De pouvoir assister.
De sa place d’honneur,
Elle entend cliqueter
Les fers des gladiateurs,
Elle voit miroiter
Les chars et leurs tracteurs
Par la course éreintés.
Au hasard d’un détour
Un pauvre homme enchaîné
Implore son secours.
Elle écoute, peinée,
Et d’un mot plein d’amour
Gracie le condamné.
***
Elle prie, elle crie,
Pauvre fille atterrée!
Dans un instant, ici,
Des fous vont l’enterrer.
Vesta, qu’elle supplie,
A dû s’être égarée…
Un despote cruel
Au pouvoir tourmenté
Voulait tuer icelle
Pour son règne illustrer
Et condamna la belle
Sans l’avoir écoutée.
Aux marches du caveau
Sa robe est accrochée.
Voici que le bourreau
Vers elle s’est penché
Pour saisir de là-haut
Sa main jamais touchée.
Refusant la souillure
Par dégoût et fierté,
De ce contact impur
Elle s’est écartée
Et jusqu’au bout se jure
Son honneur d’emporter.
Elle a tout, la jeunesse
Qu’on ne peut profaner,
Le destin d’une altesse
Pour une âme bien née
Mais aussi la promesse
A sa trentième année
D’emmener à Lutèce
Peut-être un nouveau-né.
Au fond de son tombeau
Elle s’est allongée.
Le pain, la jarre d’eau
N’y pourront rien changer.
Elle s’en va là-haut
Légère et soulagée.
Rémy
A la mémoire de la vestale Cornélia.

Le 07/10/2019
Les feuilles jaunes, le sultan,
Tombent de l’échelle du temps.
Le soleil est d’or mais ne dort
Et sur le crâne cogne fort.
C’est l’époque où le feu renaît
Dans les cœurs, dans les cheminées.
On traque la biche aux abois
Aux sons d’olifants dans les bois.
La vigne est rouge et le sang coule ;
Les oiseaux fuient et le vin saoule.
Des filles, sous les hauts cyprès,
L’âme et les joues sont empourprées.
Dans le silence de l’automne,
Ceux qui souffrent, Dieu les pardonne.
Les braves reçoivent, des coups,
Le courage qui les secoue.
Puis aux feux d’un zénith sanglant,
La montagne livre ses flancs.
Rouge et blanc sont de connivence,
Octobre et dimanche en Provence.
Rémy
Le 09/09/2019
Sous les feux pâlissants d’un soleil plus timide,
Les oies sauvages fuient, en quête de chaleur,
Et les feuilles rouillées choient sur le sol humide,
Tapissant le sous-bois de leurs mornes couleurs.
Les petits animaux vont trouver le sommeil
Aux creux des grands bouleaux, sous quelque grise pierre;
La vigne, dans les champs, s’est parée de vermeil;
La campagne répand ses senteurs saisonnières.
C’est la vie qui s’endort! Mélancolie d’automne!
L’univers dépouillé, la nature au secret;
C’est le froid, c’est la pluie et des jours monotones!
C’est la Mort, aujourd’hui, pour que tout se recrée…
Rémy
Le 10/08/2019
Tristan, prince à la cour de Marc’h,
Git blessé au fond d’une barque.
Il a terrassé le Morholt
Et s’éloigne sur la mer folle.
Au Nord, à quelques encablures,
Mêlant au vent sa chevelure,
Yseult, sur la grève sablée
Rêve à son destin, esseulée.
Tristan vogue jusqu’en Irlande
Et la reine enfin le guérit.
Sa harpe vibre ; Yseult sourit,
Puis il part retrouver ses landes.
Le roi Marc’h espérait alors
Se marier. Une hirondelle
Lui apporta un cheveu d’or
D’Yseult : le vieux Marc’h veut icelle.
Tristan s’en va chercher la belle,
Embue de chagrin ses prunelles.
Sur le bateau, à leur retour,
Ils boivent le philtre d’amour.
Yseult, que le roi prend pour femme,
Voit Tristan quand le jour se pâme,
Mais on les surprend. Marc’h, fâché,
Les condamne au feu du bûcher.
Tour à tour, les amants s’échappent,
Se réfugient dans la forêt,
Pour enfin pouvoir s’adorer
Sous les feuillages qui les drapent.
Tristan veut que sa souveraine
Devant la cour prête serment.
Yseult ainsi redevient reine ;
Les amants se voient rarement.
Dans son château du Léonnois,
Tristan se marie. Nulle joie
Ne brille. Son amour le ronge ;
C’est toujours à Yseult qu’il songe.
Sa femme, outrée de ce dédain,
Prévient son frère, Kaherdin.
Tristan voudrait qu’on le comprenne,
Alors, vers Yseult, il l’entraîne.
Au retour, des brigands le blessent ;
Seule Yseult pourrait le sauver.
Kaherdin s’en va la trouver.
Un gréement dans le ciel se dresse.
Tristan, trompé, croit qu’il est noir,
Redit le nom de son Amour.
Yseult, qui s’en vient, mais trop tard,
L’embrasse et s’éteint à son tour.
Sur leur tombe, amants éternels,
Deux arbres jumeaux s’entremêlent.
Rémy
Oeil pour oeil, cent pour cent
Le 05/08/2019
J’ai fait l’amour avec tes yeux, comme un enfant,
Dans des combles disgracieux, mornes et froids.
Effleurant à peine ton corps qui se défend,
Pourtant à moitié dévêtu, rempli d’effroi,
Mon regard est au fond du tien, bleu, qui me fixe ;
Tu m’as chevauché, je suis tel un palefroi.
Aux ébats de tes cils joyeux, dans cette rixe,
Je frissonne, puis je frémis. Tu dis : « Mon ange ! »
Ton iris azuré sourit, gemme prolixe,
Semble m’inviter : « Viens ici, que je te mange ! »
De tes lèvres, la fleur me brûle, insoutenable.
Et je sens mon front caresser tes rousses franges.
Dans ton œil sensuel je lis le doux vocable,
Le clin qui m’incline à commettre une folie
Tout en suppliant : « Je t’en prie, sois raisonnable. »
Tu m’ouvres ces lagons clairs de mélancolie,
En surplomb d’un relief à deux formes bossues.
Dans tes yeux, ma chérie, la tristesse est jolie !
Sur les miens sans dessous, ils prennent le dessus,
M’inondent peu à peu, pénétrants et sagaces,
Puis s’éclipsent enfin, terrassés ou déçus.
Car la vie t’a marquée mais t’a rendue tenace,
Tu sais trop bien aimer d’avoir autant souffert ;
Il faut t’apprivoiser comme un oiseau fugace.
Les pupilles de jais au milieu de tes sphères,
En un tour régulier enflent puis rétrécissent,
S’émaillant quelquefois de reflets or ou verts,
Et j’y crois voir ton cœur ; tous mes poils se hérissent.
A cet oaristys j’agonise, étouffant,
Car l’amour, dans les yeux, ne peut être factice.
Rémy
Le 27/07/2019
La pourrais-je oublier, cette nuit chaude et noire ?
Son souvenir maudit me harcèle et me ronge.
Elle est à tout jamais gravée dans ma mémoire.
J’ai fait, cette nuit là, un bien étrange songe.
L’air était suffocant, pesante l’atmosphère ;
La lune se voilait dans de moites vapeurs.
Pas un bruit ne perçait. Qu’y pouvais-je bien faire ?
Enfin, je m’alanguis dans ma lourde torpeur.
Ecrasés sous le poids de ce profond silence,
Mes paupières sans vie, mon corps inexistant,
Envolée dans la nuit, ma frêle vigilance,
Ainsi, je sommeillais depuis déjà longtemps.
Tout n’était, pour l’instant que ténèbres obscures,
Le néant, puis soudain, la nuit s’illumina.
Une femme assez jeune, élégante d’allure,
Vint troubler mon repos : la Vénus Athéna.
Un opaque brouillard autour d’elle flottait
Dont je revois encor la blancheur incroyable.
Au cœur de ce cocon de tendre volupté,
Elle était là dressée, terrible, formidable.
A partir de ses seins jusqu’au bas des chevilles,
Un drap de satin noir finement l’enlaçait,
Et dans ce vêtement au couleur de pupilles,
Trônait une sylphide au corps très élancé.
La brume aux tons blafards, la brune chevelure,
L’éclatante noirceur de l’habit pathétique,
La peau douce de lait, diaphane et si pure
Eclairaient ce tableau de lueurs féériques.
Et qu’il était frappant son visage immobile,
Où la moindre pensée affleurait mais, ô rage !,
Mon cerveau demeuré, apathique et débile
Etait trop aveuglé pour prendre son message.
Cette femme était belle, et belle à en mourir,
Sans être pour autant d’une beauté banale.
Ce n’est pas la beauté qu’ébloui l’on admire ;
La sienne est éthérée ; on la sent qui s’exhale.
La nuit s’est achevée, me rendant mes esprits.
J’ai souffert impuissant d’un amour onirique,
De l’avoir trop aimée et de m’en être épris,
C’était, tout simplement, un rêve platonique.
Rémy
Le 24/07/2019
Mille feux incendient la cité qui sommeille.
Dans le ciel constellé, l’orgueilleuse se mire.
Là haut, sur un rocher, ton âme s’émerveille.
Le silence est troublant ; tu rêves, je t’admire.
La haut, sur un rocher, tu trônes, souveraine.
Dans l’encre de la nuit coule une mélodie.
Des arpèges lascifs, la voix d’une sirène,
Tu chantes doucement ; j’aime ta rhapsodie.
Des arpèges lascifs et nous quittons la terre,
Abandonnant le monde et son sort pathétique.
Devant tes yeux rieurs, un bateau militaire ;
On se vole un baiser dans l’humeur aquatique.
Devant tes yeux rieurs, un chaton se faufile,
Altier, presqu’insolent, la démarche feutrée.
Séduite, hypnotisée par l’animal agile,
Dans tes bras accueillants, l’heureux vient se vautrer.
Séduite, hypnotisée ? Quel est ce mal étrange
Germant dans le terreau des âmes solitaires ?
Quel remède apporter, quel salvateur mélange ?
Que peux-tu contre lui, savante apothicaire ?
Quel remède apporter ? Bois ce nectar léger
Aux arômes discrets exhalés du calice.
On y sent la groseille et la fleur d’oranger.
Dans ta gorge exaltée, l’exquis liquide glisse.
On y sent la groseille aux pépins dérisoires,
Tels les plombs meurtriers pourfendant l’hirondelle.
Avenir enchanteur, ô futur illusoire,
Tu séquestres ma mie, tu nous coupes les ailes !
Avenir enchanteur, elle va, elle danse,
Notre vie effrénée, puis, un beau jour, on meurt.
Dans le ballet satin de mes idées, je pense…
Sur la scène exigüe, c’est elle qui demeure.
Dans le ballet satin où les jupes s’envolent,
Dans les tonalités éparses sur la gamme,
Dans la palette en bois où les couleurs s’immolent,
Il est un blond reflet, un refrain, une Dame.
Dans la palette en bois, le bleu pur, insipide ;
Un oiseau blanc s’évade, étend son envergure.
Il fuit, flèche argentée, d’une course rapide.
Ce Pégase nacré est-il de bon augure ?
Il fuit, flèche argentée qui fait battre les heures,
Le temps dans l’air du temps, le soleil dans le soir.
Sonnez, tambourinez, maudits carillonneurs !
Entendez-vous ce loup qui hurle dans le noir ?
Sonnez, tambourinez !, une sombre mixture,
Sous la tente céleste ondule et se délaye.
Une ingambe comète a fui l’âpre texture.
Mille feux incendient la cité qui sommeille.
Rémy
Le 17/07/2019
I.
Lorsque j’étais enfant, pur et blanc comme un ange,
Je faisais fort souvent ce rêve bien étrange
Que, sylphide et léger, je volais dans les airs,
Abandonnant au sol turpitude et misère.
Dans l’instant d’une nuit, quel doux ravissement,
Quel plaisir de pouvoir dompter le firmament,
D’être au dessus des lois physiques et charnelles,
Comme un geai, un bourdon ou une coccinelle.
Le temps fort et critique est bien de décoller ;
Je ne sais, jusque là, si je pourrai voler.
En fixant droit devant, je me concentre. Enfin,
Je m’apprête à partir pour les contrées sans fin.
Et voilà, j’ai bondi. Bras et jambes s’efforcent
D’aller chercher le ciel. L’ascension s’amorce.
Intense est cet effort. Si mes membres succombent,
C’est mon corps tout entier qui s’affaisse et qui tombe.
Je touche enfin ce ciel que je voulais rejoindre.
Je me sens très léger et mes efforts sont moindres.
Je nage dans les cieux comme on plane dans l’eau
Et je cherche à monter plus haut, toujours plus haut.
Insolite plaisir, intense et radical,
Les choses d’ici bas me plaisent verticales !
C’est ma chère maison que je voyais, du reste,
A ces instants sacrés des épopées célestes.
Toisant la profondeur, je prends de l’altitude,
En quête d’infini, de bleu, de plénitude.
Là, le silence est roi et seul le bleu m’entoure ;
Je suis au paradis dans ce vaste velours.
Toujours plus je m’élève, impavide grimpeur,
Vers l’auguste néant qui m’aspire. J’ai peur
De lui, soudainement, de ce troublant mystère,
J’ai peur de ne jamais redescendre sur terre.
Je plonge vivement, saoulé par la vitesse,
Esclave de mes sens enivrés de caresses.
De loopings en piqués, dans ce géant ravin,
Je rejoins, peu à peu, le plancher des bovins.
Mais mon sommeil s’écourte, à cet instant précis,
Interrompant mon songe et mon plaisir, aussi.
Je m’étais endormi dans les bras de la Terre ;
Je me réveille là, dans les jupons de l’Air.
Hélas, je ne suis plus pur et blanc comme un ange,
Je ne fais jamais plus ce rêve bien étrange.
Mais nuits sont désormais bien mornes, bien austères.
Suis-je devenu lourd ? Serais-je terre à terre ?
Il est là, monstrueux, de béton, de mortier,
Ce pompeux carrefour du monde tout entier.
Moderniste, hideux, il est beau, il est fort ;
C’est un vaste perchoir ; c’est un aéroport.
Sur la piste d’asphalte, un oiseau de métal
Patiente, serein, comme un aigle royal.
L’aéronef, figé sur le sol, immobile,
Attend pour s’envoler comme un aigle docile.
Hautain, impérial, il avance tout droit,
Tout puissant souverain aux allures de roi.
Imperceptiblement, la cadence accélère ;
Il suffoque ici bas ; l’oiseau doit manquer d’air.
Vivement élancé, au zénith de sa force,
Il dresse alors son nez ainsi qu’on bombe un torse,
Regardant, dédaigneux, l’orbe démentiel,
Avant de s’envoler aux confins du bleu ciel.
Dans un strident fracas, les quatre réacteurs
Hurlent en vomissant les flammes des moteurs,
Sur l’ignoble goudron, dans l’air mort et vicié.
Un éclair a relui sur les ailes d’acier.
Il domine et conquiert la déserte mollesse.
Ne cessant de monter, il se cambre ,il se dresse,
Laissant derrière lui un singulier sillage.
Le voilà maintenant qui crève les nuages.
D’un coup d’ailes facile, il a touché les cieux.
Là, l’oiseau évolue, svelte et silencieux.
A travers un hublot, le bleu, dans son empire,
S’étend à l’infini, ce bleu auquel j’aspire.
Toi qui as ces joyaux, ô femme aux bleus spinelles,
Tu es ma préférée ! Je vois dans tes prunelles
Ce hublot transparent qui laissait apparaître
Le bleu dans son empire, ô, divines fenêtres !
Tes yeux clairs azurés m’obsèdent, me fascinent,
Ton regard infini où le ciel se dessine
M’attire vers son fond turquoise, magnétique,
Mais j’ai, de ce regard, une peur psychotique.
Dans tes yeux, c’est le bleu de ce songe bizarre
Que je voyais jadis, incroyable hasard,
Limpide, immaculé, sublime ! C’est le même
Qui m’attirait vers lui : voilà pourquoi je t’aime.
Tes yeux sont une fente où le jour vient à naître
Ouverte sur l’Eden qu’il me semble connaître.
Ils sont un coin de ciel, de cristal et de rêve,
Impossibles d’accès même si on les crève.
Toi qui as deux écrins où le saphir reluit,
Tu es un séraphin qui emporte avec lui
Deux fragments de ciel bleu sculptés, deux rondes billes,
Ornées d’un noir poinçon en guise de pupille.
Perdues, la pureté et la blancheur de l’ange !
Je ne volerai plus dans les célestes franges,
Mais je prends dans tes yeux la couleur qui m’inspire,
Perdu à tout jamais, ce bleu auquel j’aspire.
Rémy