MORCEAUX CHOISIS

Oeil pour oeil, cent pour cent

Le 13/11/2022

J’ai fait l’amour avec tes yeux, comme un enfant,

Dans des combles disgracieux, mornes et froids.

Effleurant à peine ton corps qui se défend,

 

Pourtant à moitié dévêtu, rempli d’effroi,

Mon regard est au fond du tien, bleu, qui me fixe ;

Tu m’as chevauché, je suis tel un palefroi.

 

Aux ébats de tes cils joyeux, dans cette rixe,

Je frissonne, puis je frémis. Tu dis : « Mon ange ! »

Ton iris azuré sourit, gemme prolixe,

 

Semble m’inviter : « Viens ici, que je te mange ! »

De tes lèvres, la fleur me brûle, insoutenable.

Et je sens mon front caresser tes rousses franges.

 

Dans ton œil sensuel je lis le doux vocable,

Le clin qui m’incline à commettre une folie

Tout en suppliant : « Je t’en prie, sois raisonnable. »

 

Tu m’ouvres ces lagons clairs de mélancolie,

En surplomb d’un relief à deux formes bossues.

Dans tes yeux, ma chérie, la tristesse est jolie !

 

Sur les miens sans dessous, ils prennent le dessus,

M’inondent peu à peu, pénétrants et sagaces,

Puis s’éclipsent enfin, terrassés ou déçus.

 

Car la vie t’a marquée mais t’a rendue tenace,

Tu sais trop bien aimer d’avoir autant souffert ;

Il faut t’apprivoiser comme un oiseau fugace.

 

Les pupilles de jais au milieu de tes sphères,

En un tour régulier enflent puis rétrécissent,

S’émaillant quelquefois de reflets or ou verts,

 

Et j’y crois voir ton cœur ; tous mes poils se hérissent.

A cet oaristys j’agonise, étouffant,

Car l’amour, dans les yeux, ne peut être factice.

 

Rémy

La Vénus Athéna

Le 13/11/2022

La pourrais-je oublier, cette nuit chaude et noire ?

Son souvenir maudit me harcèle et me ronge.

Elle est à tout jamais gravée dans ma mémoire.

J’ai fait, cette nuit là, un bien étrange songe.

 

L’air était suffocant, pesante l’atmosphère ;

La lune se voilait dans de moites vapeurs.

Pas un bruit ne perçait. Qu’y pouvais-je bien faire ?

Enfin, je m’alanguis dans ma lourde torpeur.

 

Ecrasés sous le poids de ce profond silence,

Mes paupières sans vie, mon corps inexistant,

Envolée dans la nuit, ma frêle vigilance,

Ainsi, je sommeillais depuis déjà longtemps.

 

Tout n’était, pour l’instant que ténèbres obscures,

Le néant, puis soudain, la nuit s’illumina.

Une femme assez jeune, élégante d’allure,

Vint troubler mon repos : la Vénus Athéna.

 

Un opaque brouillard autour d’elle flottait

Dont je revois encor la blancheur incroyable.

Au cœur de ce cocon de tendre volupté,

Elle était là dressée, terrible, formidable.

 

A partir de ses seins jusqu’au bas des chevilles,

Un drap de satin noir finement l’enlaçait,

Et dans ce vêtement au couleur de pupilles,

Trônait une sylphide au corps très élancé.

 

La brume aux tons blafards, la brune chevelure,

L’éclatante noirceur de l’habit pathétique,

La peau douce de lait, diaphane et si pure

Eclairaient ce tableau de lueurs féériques.

 

Et qu’il était frappant son visage immobile,

Où la moindre pensée affleurait mais, ô rage !,

Mon cerveau demeuré, apathique et débile

Etait trop aveuglé pour prendre son message.

 

Cette femme était belle, et belle à en mourir,

Sans être pour autant d’une beauté banale.

Ce n’est pas la beauté qu’ébloui l’on admire ;

La sienne est éthérée ; on la sent qui s’exhale.

 

La nuit s’est achevée, me rendant mes esprits.

J’ai souffert impuissant d’un amour onirique,

De l’avoir trop aimée et de m’en être épris,

C’était, tout simplement, un rêve platonique.

 

Rémy

L'étoile filante

Le 13/11/2022

Mille feux incendient la cité qui sommeille.

Dans le ciel constellé, l’orgueilleuse se mire.

Là haut, sur un rocher, ton âme s’émerveille.

Le silence est troublant ; tu rêves, je t’admire.

 

La haut, sur un rocher, tu trônes, souveraine.

Dans l’encre de la nuit coule une mélodie.

Des arpèges lascifs, la voix d’une sirène,

Tu chantes doucement ; j’aime ta rhapsodie.

 

Des arpèges lascifs et nous quittons la terre,

Abandonnant le monde et son sort pathétique.

Devant tes yeux rieurs, un bateau militaire ;

On se vole un baiser dans l’humeur aquatique.

 

Devant tes yeux rieurs, un chaton se faufile,

Altier, presqu’insolent, la démarche feutrée.

Séduite, hypnotisée par l’animal agile,

Dans tes bras accueillants, l’heureux vient se vautrer.

 

Séduite, hypnotisée ? Quel est ce mal étrange

Germant dans le terreau des âmes solitaires ?

Quel remède apporter, quel salvateur mélange ?

Que peux-tu contre lui, savante apothicaire ?

 

Quel remède apporter ? Bois ce nectar léger

Aux arômes discrets exhalés du calice.

On y sent la groseille et la fleur d’oranger.

Dans ta gorge exaltée, l’exquis liquide glisse.

 

On y sent la groseille aux pépins dérisoires,

Tels les plombs meurtriers pourfendant l’hirondelle.

Avenir enchanteur, ô futur illusoire,

Tu séquestres ma mie, tu nous coupes les ailes !

 

Avenir enchanteur, elle va, elle danse,

Notre vie effrénée, puis, un beau jour, on meurt.

Dans le ballet satin de mes idées, je pense…

Sur la scène exigüe, c’est elle qui demeure.

 

Dans le ballet satin où les jupes s’envolent,

Dans les tonalités éparses sur la gamme,

Dans la palette en bois où les couleurs s’immolent,

Il est un blond reflet, un refrain, une Dame.

 

Dans la palette en bois, le bleu pur, insipide ;

Un oiseau blanc s’évade, étend son envergure.

Il fuit, flèche argentée, d’une course rapide.

Ce Pégase nacré est-il de bon augure ?

 

Il fuit, flèche argentée qui fait battre les heures,

Le temps dans l’air du temps, le soleil dans le soir.

Sonnez, tambourinez, maudits carillonneurs !

Entendez-vous ce loup qui hurle dans le noir ?

 

Sonnez, tambourinez !, une sombre mixture,

Sous la tente céleste ondule et se délaye.

Une ingambe comète a fui l’âpre texture.

Mille feux incendient la cité qui sommeille.

 

Rémy