SCENE II. – PHILIPPE, CYPHER, CYPRIS.
PHILIPPE
Ah, mes biens chers amis, j’étais à me détendre,
Marchant par ces allées et tachant d’entreprendre
Un parcours curatif car le vin de midi
M’a, façon de parler, quelque peu arrondi.
Ce n’était certes pas ce nectar agréable
Qui nous faisait défaut à l’entour de la table.
Vins de Bordeaux, d’Anjou, du pays de Cahors,
Champagnes pétillants et j’en oublie encore.
Je devrais, cependant, prendre un peu de repos,
Car je remets ceci chez Elise, tantôt,
Qui m’espère à son bal.
CYPHER
Tu t’y rends toi aussi ?
PHILIPPE
Bien sûr ! Pour m’aérer… Je sors peu ces temps-ci.
Les filles seront foules et les vins légion,
Et je suis un expert en dégustation.
CYPRIS
De filles ou de vins ?
PHILIPPE
Et bien des deux, en fait.
Je puis être amoureux en étant assoiffé !
Là le verre ; la fille ici : élémentaire !
Que voudrait-on de plus ?
CYPHER
Un bras supplémentaire !
CYPRIS
Sans nos femmes, c’est vrai, qui nous rendent tout chose,
La vie serait bien triste, insipide et morose.
Elles ont la faiblesse, elles ont la beauté,
La grâce, la gaité, bref, la féminité,
Qui nous tient en respect, qui sait nous émouvoir,
Qui vient nous apaiser. Oui, c’est un grand pouvoir
Qu’a le sexe opposé. Ces dames paraissant,
Ne laissent, pour le moins, personne indifférent,
Qu’elles soient laiderons ou bien qu’elles soient belles ;
Les regards masculins fixent ces jouvencelles.
Leurs palabres joyeux ont le don d’envoûter,
Il s’en trouve toujours un pour les écouter.
Sur nous tous, cependant que leur charme s’exerce,
Leur douce compagnie nous cajole et nous berce
Devant ce faux semblant de leur fragilité
S’efface, peu à peu, notre brutalité.
Comme nos garde-fous, elles nous temporisent ;
Plus encor que cela, elles nous civilisent.
Sans nos dames, je crois, sans ces êtres mignons,
Nous serions toujours tels que des Cro-Magnon !
J’ai parlé.
CYPHER
Je t’approuve en ce qui me concerne.
Nous serions, c’est sûr, dans de sombres cavernes,
Des grottes sans apprêt, dépouillées et crasseuses,
Eclairées seulement par des torches poisseuses,
Car sans femme, c’est vrai, qui tiendrait la maison ?
Nos repas ne seraient que d’âpres venaison,
Quelques mauvais gibiers rôtis au feu de bois
Que nous dévorerions, en plus, avec nos doigts,
Agrémentant ces mets d’herbes ou de racines.
Sans femmes, n’est-ce pas, qui ferait la cuisine ?
PHILIPPE
La plonge ?
CYPHER
Absolument ! Ajoutons à ceci
Que dans l’air hivernal, nous serions transis,
Dénudés ou vêtus de simples peaux de bêtes.
Le froid nous glacerait des pieds jusqu’à la tête.
Point d’effet, point d’habit, point même de chaussures,
Car sans femme, à nouveau, qui ferait la couture ?
Pour toutes ces raisons, pour ces menus détails,
Les femmes sont, pour nous, des alliées de taille.
PHILIPPE
Taille… Pour la couture ?
CYPHER
Allons, quel imbécile !
Où en étais-je donc ?
CYPRIS
Tu as perdu le fil ?
CYPHER
Oh, mais remarquez donc qu’à force de palabres,
L’heure est bien avancée et je ne suis point glabre !
Il faut, chez le barbier, que je me mette en course.
A plus tard, les amis !
Cypher s’éloigne en fouillant ses poches.
Mais où donc est ma bourse ?
CYPRIS
Si nous comptons, ce soir, être bien disposés,
Il serait plus prudent d’aller nous reposer.
De deviser tantôt, nous aurons le loisir.
Je rejoins mes quartiers afin de m’assoupir.
PHILIPPE
Oui, la sieste s’impose ; elle est bien méritée.
Où vas-tu ?
CYPRIS
Par là-bas.
PHILIPPE
Moi de l’autre côté
Les protagonistes se séparent.